Une personne qui ne consomme pas ou consomme peu de produits d’origine animale et qui ne se complémente pas va développer une carence, c’est certain. Le lien de causalité est clair :

Pas d’apport en vitamine B12 = carence.

Les courageux témoignages de personnes véganes et végétariennes ont été rassemblés sur le groupe Facebook intitulé Vive la B12 !. Encore merci de cet immense effort éducatif ! De plus, la littérature scientifique est abondante et convergente [1]. Personne ne fait exception, pas même les crudivores. Le phénomène est parfaitement connu :

  • soit on se complémente conformément aux recommandations du document de référence et l’on ne présente pas de risque particulier ;
  • soit on ne se complémente pas conformément au document de référence, auquel cas la carence arrivera tôt ou tard.

Qu’on se trouve dans l’une ou dans l’autre situation, il est techniquement inutile de conduire une analyse. C’est pourquoi la communauté scientifique végane internationale s’est prononcée : chaque végane doit se complémenter. Les médecins peuvent d’ailleurs refuser de prescrire l’examen sur ce simple motif. Le surcoût pour la Sécurité sociale n’est pas justifié.

Bien que l’examen puisse être remboursé à 100 % sur prescription médicale, il n’est pas recommandé de satisfaire sa simple curiosité aux dépens de la collectivité. Le véganisme n’étant pas une maladie, il serait inopportun d’occasionner un remboursement par l’assurance maladie. Tout le monde peut cependant prendre la liberté de conduire une analyse d’acide méthylmalonique auprès du laboratoire de son choix. Sans prescription, il en coûte entre 30 et 40 € (tarif fixé + frais de dossier variables) dans la plupart des laboratoires français. Un formulaire de renseignements est généralement soumis afin d’aider le personnel de laboratoire à interpréter les résultats. Il suffit d’indiquer que la fiche est sans objet, car l’analyse est conduite spontanément pour contrôler une éventuelle carence en vitamine B12 au niveau cellulaire.

L’analyse de l’acide méthylmalonique est tout de même conseillée aux personnes qui présentent une aversion pour la complémentation, parce que les résultats peuvent les aider à prendre leurs décisions en pleine conscience.

Selon nos retours, le prélèvement sanguin de l’acide méthylmalonique a fait l’objet de lenteurs (parfois plus d’un mois) et d’une faible précision en France (une décimale supplémentaire serait un net progrès). Le taux d’acide méthylmalonique sérique à ne pas dépasser est de 370 nmol/L. Les centres de prélèvements qui sous-traitent les analyses urinaires d’acide méthylmalonique auprès des laboratoires CERBA semblent obtenir des résultats plus rapides que ceux qui travaillent auprès des laboratoires BIOMNIS.

Le résultat de l’analyse urinaire est exprimé proportionnellement à la créatinine afin de corriger l’effet de la dilution des urines. Chaque laboratoire a ses propres valeurs de référence, mais celle que la communauté scientifique végane internationale recommande de ne pas dépasser est de 4 microgrammes (µg) d’acide méthylmalonique par mg de créatinine (≈ 3,83 mmol/mol). Une valeur légèrement plus faible est souvent recommandée : 3,56 mmol d’AMM par mol de créatinine [2], mais un début d’élévation devrait être considéré comme suspect (les véganes qui appliquent une complémentation adéquate présentent des valeurs généralement inférieures à 2 mmol/mol). Un résultat qui se rapproche de la valeur maximale ou qui la dépasse signifie que la vitamine B12 manque au niveau cellulaire.

Faute de sensibilisation aux spécificités des alimentations végétales, bien des médecins semblent préférer l’analyse de la vitamine B12 sérique, qui est également moins coûteuse. Or cette méthode présente le désavantage de pouvoir renvoyer des résultats artificiellement augmentés par la présence de molécules appelées analogues, sans aucune activité vitaminique, mais suffisamment proches de la vitamine B12 pour tromper les instruments de mesure. Nombre de véganes consomment des analogues, et plus particulièrement les personnes qui évitent les compléments alimentaires (et qui comptent à tort sur les algues). Le phénomène est bien connu et documenté. L’analyse de la vitamine B12 sérique n’est donc pas jugée pertinente.

L’analyse de l’homocystéine, une substance qui s’accumule dans le sang lorsque la vitamine B12 vient à manquer, n’est pas remboursée en France. Elle coûte environ 60 €. Une forte consommation de folates peut artificiellement sous-évaluer une carence en vitamine B12. Or les véganes peuvent consommer beaucoup de folates, dans les légumes à feuilles vertes notamment. C’est pourquoi l’analyse de l’acide méthylmalonique est préférée pour conduire des études sur les véganes à l’heure actuelle. C’est l’analyse de référence qui permet de vérifier la biodisponibilité de la vitamine B12 dans une source potentielle pour l’espèce humaine.

Les personnes qui soupçonnent un défaut d’absorption sévère peuvent conduire des vérifications afin d’en déterminer la raison exacte. Le test de Schilling se déroule en plusieurs étapes, à partir du moment où la carence a déjà été suffisamment corrigée, car un défaut de vitamine B12 peut avoir pour conséquence d’amoindrir les capacités d’absorption intestinales (malformation des villosités intestinales, imputables à la synthèse inadéquate de l’ADN des cellules).

La première opération consiste à pratiquer une injection intramusculaire afin de saturer les récepteurs du foie et d’ingérer une vitamine B12 qui contient un cobalt radioactif (cobalt 57 ou 58). La collection des urines permet de vérifier si un minimum de 10 % de la vitamine B12 radioactive a été absorbé. Si tel n’est pas le cas, la deuxième opération consiste à recommencer avec un apport oral de facteur intrinsèque. Si cela ne fonctionne toujours pas, c’est au tour de l’adjonction d’antibiotiques, puis d’enzymes pancréatiques, afin d’éliminer toutes les causes possibles. Toute amélioration substantielle indique la source du problème. Au contraire, si le défaut demeure, c’est que les récepteurs de l’iléon sont probablement défectueux.

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NOTES

[1] Les études n’ont jamais cessé de prouver la relation entre la carence et l’absence d’apport alimentaire :

[2] Rasmussen K. Solid-phase sample extraction for rapid determination of methylmalonic acid in serum and urine by a stable-isotope-dilution methodClin Chem 1989;35(2):260-4.

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