Les autorités sanitaires du monde entier considèrent que la toxicité de la vitamine B12 n’existe pas, qu’il s’agisse de l’ANSES (France), de l’EFSA (Europe), de l’Institut de médecine des États-Unis ou de l’Organisation mondiale de la santé [1]. C’est ce qu’on appelle un consensus.

Faute de toxicité, la dose maximale recommandée correspond à la dose maximale utilisable par l’organisme : 5 000 microgrammes (µg) par jour. Une telle dose quotidienne peut donc être consommée sans risque, mais elle n’est cependant pas nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme humain, qui éliminera l’excès absorbé dans les urines. Parce que le gaspillage n’apporte aucune sécurité supplémentaire, les recommandations de la communauté scientifique végane internationale sont très nettement inférieures.

La vitamine B12 a la propriété d’être hydrosoluble (soluble dans l’eau). Tout excès est donc éliminé dans les urines [2]. C’est la première raison qui est le plus souvent invoquée pour expliquer l’absence de toxicité de la vitamine B12. Cette situation ne concerne toutefois que les injections de vitamine B12, car l’administration par voie orale n’atteint généralement pas ces niveaux. Les phénomènes d’absorption du système digestif constituent une barrière naturelle significative.

Jusqu’à 50 ou 60 % d’une dose aussi faible que 1 µg peut être absorbée [3], tandis que des doses de 1 000 µg peuvent parfois n’être absorbées qu’à 0,5 % [4]. Plus la dose est forte, moins la vitamine B12 est absorbée. Deux mécanismes d’absorption distincts expliquent ce phénomène.

Le premier mécanisme d’absorption dépend d’une sécrétion de l’estomac appelée « facteur intrinsèque », qui permet d’absorber la vitamine B12 de manière efficace lorsqu’elle arrive au niveau des récepteurs de l’iléon. Les sécrétions de facteur intrinsèque sont toutefois très limitées en quantité, tout comme les récepteurs de l’iléon, qui ne permettent pas d’absorber plus de 1,5 µg de vitamine B12 à la fois [5]. Le second mécanisme d’absorption repose sur le phénomène de diffusion. Selon la porosité des muqueuses digestives, la vitamine B12 passe dans le sang. Cette diffusion présente un taux minimal d’environ 0,5 % de vitamine B12 absorbée chez les personnes qui présentent le plus faible taux d’absorption. Les mécanismes d’absorption empêchent donc la vitamine B12 ingérée de passer massivement dans le sang. Des explications imagées sont mises à disposition ci-dessous :

Bien que l’élimination urinaire et la barrière naturelle du système digestif puissent constituer des éléments intéressants, l’innocuité de la vitamine B12 est plus particulièrement illustrée dans le traitement des personnes empoisonnées au cyanure. Parce qu’il ne présente aucun effet secondaire, le remède préféré consiste à administrer 5 grammes (5 millions de microgrammes) d’hydroxocobalamine par injection intraveineuse. L’hydroxocobalamine est l’une des formes de la vitamine B12. Elle possède la faculté de se combiner aux molécules de cyanure pour former la cyanocobalamine qui s’évacue par voie urinaire [6].

Malgré les preuves d’innocuité totale, et la complémentation que les autorités sanitaires recommandent aux véganes, les notices de certaines spécialités pharmaceutiques françaises prétendent que l’administration de la vitamine B12 serait contre-indiquée en cas de tumeur maligne. Cette spéculation infondée est « contredite par les preuves qu’une augmentation des apports en vitamine B12 inhibe l’induction de tumeurs dans le foie, le côlon et l’œsophage humains », selon l’Institut de médecine des États-Unis [7]. Quelques 27 500 études ont été publiées à ce jour sur la vitamine B12, mais « il n’existe aucun rapport attribuant un potentiel cancérogène, mutagène ou tératogène de la cyanocobalamine [vitamine B12] », selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments [8]. Ajoutons que la compilation de huit études randomisées sur la complémentation en vitamines du groupe B, dont la vitamine B12, incluant 37 485 individus, indique clairement que la complémentation en vitamine B12 n’est pas cancérogène [9], et qu’elle n’augmente pas la morbi-mortalité, toutes causes confondues.

Au contraire, la carence en vitamine B12 a été associée à une plus forte prévalence de différents cancers, dont celui de l’estomac, de l’œsophage et du pancréas chez l’homme comme la femme, ainsi que la leucémie myéloïde chez les hommes, et les myélomes multiples chez les femmes [10]. Par ailleurs, la carence en vitamine B12 semble être plus fréquente chez les femmes atteintes du cancer du sein [11], tandis que la prolifération de certaines cellules mammaires humaines malignes est inhibée par la présence d’une concentration élevée de vitamine B12 en laboratoire [12].

La vitamine B12 est au cœur de plusieurs processus qui affectent la réparation et la synthèse de l’ADN, notamment ceux qui fournissent les groupes méthylés. Faute de groupes méthylés, l’inhibition insuffisante de certains gènes induit des différenciations cellulaires indésirables et des mutations [13]. Les cellules cancéreuses sont des mutations. Plusieurs chercheurs spécialisés tentent donc d’observer et d’identifier les mécanismes qui opèrent à l’échelle des cellules depuis plusieurs années. Quelques études prouvent qu’une forte dose de vitamine B12 pourrait avoir des effets inhibiteurs sur certaines tumeurs humaines de culture [12], expliquant l’élévation naturelle du taux de vitamine B12 dans le sang des personnes qui vont développer ou qui ont développé un cancer. C’est une réponse métabolique [14]. Les études sont encore insuffisantes pour tirer des conclusions sur les effets thérapeutiques d’une administration de vitamine B12 contre les tumeurs cancéreuses, mais il est clair qu’une carence en vitamine B12 ne protège pas des cancers, ni de leur évolution, et qu’elle affaiblit le système immunitaire [15].

Le développement d’une carence en vitamine B12 n’a jamais constitué une thérapie anticancéreuse. Les personnes qui font le choix d’une alimentation végétale et qui ont développé une tumeur diagnostiquée doivent donc poursuivre leur complémentation en vitamine B12, conformément aux recommandations de la communauté scientifique végane internationale. Bien qu’aucune inquiétude ne soit justifiée sur le plan scientifique, cette situation est anxiogène. Notre expérience semble démontrer que l’application de l’une des plus faibles posologies est apaisante pour les individus concernés, soit (pour rappel) :

  • 1 µg trois fois par jour, en consommant attentivement des quantités adéquates de produits enrichis tels que les céréales de petit déjeuner, les jus de fruits, les extraits de levures et certaines levures pailletées, ou des compléments liquides dilués ;
  • 10 µg une fois par jour.

La vitamine B12 pure est un nutriment essentiel. Les personnes à tendance allergique peuvent se rassurer, car le seul effet secondaire rapporté concerne le développement d’une crise d’acné, à la suite d’injections importantes d’hydroxocobalamine, en présence de particules d’iode dont la responsabilité a été mise en cause, ou en combinaison d’autres vitamines (A par exemple) [16]. Cela ne concerne pas la cyanocobalamine, qui est la forme commerciale la plus courante, la moins coûteuse, la plus stable et dont l’efficacité est la plus largement démontrée dans la littérature spécialisée.

La publicité de produits à plus forte valeur ajoutée (méthylcobalamine, hydroxocobalamine), malgré une plus grande incertitude des résultats et leur stabilité incontestablement inférieure, suggère que la cyanocobalamine constituerait une source de cyanure potentiellement dangereuse pour l’organisme. Prenons par exemple la dose la plus élevée que recommande la communauté scientifique végane internationale :

  • 2 000 µg représentent 40 µg de cyanure, soit 100 fois moins que 30 grammes de graines de lin propres à la consommation humaine.
  • Une prise de 2 000 µg de vitamine B12 n’est qu’assez faiblement absorbée : entre 0,5 et 2 % peuvent passer dans le sang, soit entre 0,2 et 0,8 µg de cyanure pour une semaine entière, alors que nous ingérons et éliminons chaque jour entre 50 et 380 µg de composés contenant du cyanure, que nous apportent naturellement des aliments sains tels que les fruits, les fruits secs et les légumineuses [17].
  • Lorsqu’une molécule de cyanocobalamine absorbée est utilisée par l’organisme, la molécule de cyanure libérée est naturellement éliminée, comme l’ensemble des autres composés contenant du cyanure que l’alimentation fournit naturellement.

Malgré l’innocuité démontrée et mondialement reconnue de la cyanocobalamine, les personnes phobiques ont la possibilité de préférer les autres formes de la vitamine B12, que sont la méthylcobalamine (généralement fabriquée à partir de cyanocobalamine), l’hydroxocobalamine ou encore l’adénosylcobalamine (il est cependant difficile de s’en procurer en Europe) avec une préférence pour la posologie hebdomadaire, qui, en raison du dosage plus important, semble pouvoir garantir une absorption suffisante malgré la plus faible stabilité de ces produits.

Rappelons que les bactéries constituent le point de départ de la vitamine B12 pour l’ensemble de la chaîne alimentaire. Lorsqu’elles se complémentent, les personnes véganes obtiennent ce nutriment directement à sa source originelle, car l’ensemble de la vitamine B12 commercialisée est d’origine bactérienne.

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NOTES

[1] La toxicité de la vitamine B12 n’existe pas, le consensus est mondial :

• AFSSA, « Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l’évaluation de deux projets de textes concernant les compléments alimentaires : justification des teneurs maximales nulles pour le fluor et la vitamine K, proposition d’une mention obligatoire prévenant les patients sous anti-coagulants de ne pas consommer de compléments alimentaires contenant de la vitamine K, et évaluation toxicologique de nouvelles teneurs maximales pour les vitamines E, B1, B2, PP, B5, B6, B12, B8, C », saisine no 2004-SA-0210, Maisons-Alfort, 2004, p. 4 :

« Les vitamines B1, B2, B5 et B8 font partie du groupe des micronutriments dont la limite de sécurité n’est pas spécifiée (groupe C), nutriments pour lesquels aucune toxicité, même à forte dose, n’a été montrée. De même, la vitamine B12 est considérée comme ne présentant aucun risque de toxicité. »

• European Food Safety Authority, Tolerable Upper Intake Levels for vitamins and minerals, EFSA, 2006, p. 48 :

« Aucun effet secondaire n’a été constaté pour la vitamine B12 d’origine alimentaire ou provenant des compléments, malgré des doses très supérieures aux besoins.
[…]
Il est impossible de définir une dose maximale, et le niveau actuel des apports en provenance des aliments et des compléments ne présente aucune preuve de risque pour la santé. »

Version anglophone originelle :

« There are no adverse effects known for vitamin B12 from foods, or from supplements in amounts far in excess of needs.
[…]
Although it is not possible to derive an UL, there is no evidence that the current levels of intake from foods and supplements represent a health risk. »

• Institut de médecine des États-Unis, Dietary Reference intakes for thiamin, riboflavin, niacin, vitamin B6, folate, vitamin B12, pantothenic acid, biotin and choline, National Academy Press, Washington D. C., 1998, p. 347 :

« Les données sur les effets secondaires de la vitamine B12 n’ont pas été jugées suffisantes pour évaluer la relation qui permettrait de déterminer une dose maximale.
[…]
La revue des données sur les prises élevées de vitamine B12 ne démontre aucun risque d’effet secondaire pour les populations générales, même lorsqu’elles bénéficient déjà d’apports équivalents au quatre-vingt-quinzième centile actuel, comme indiqué ci-dessus. »

Version anglophone originelle :

« The data on adverse effects of B12 intake were considered not sufficient for a dose-response assessment and derivation of a UL.
[…]
On the basis of the review of data involving high-dose intakes of B12, there appear to be essentially no risks of adverse effects to the general population even at the current ninety-fifth percentile of intake noted above. »

• Organisation mondiale de la santé et Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Vitamin and Mineral Requirements in human nutrition, 2e éd., World Health Organization, 2004, p. 286 :

« Aucun effet secondaire n’a jamais été rapporté pour une prise de 1 000 µg de vitamine B12. Des apports semblablement élevés ont été utilisés pour la préparation de compléments alimentaires sans qu’aucun effet négatif ait été observé. »

Version anglophone originelle :

« Intake of 1 000 µg vitamin B12 has never been reported to have any side-effects. Similar large amounts have been used in some preparations of nutritional supplements without apparent ill effects. »

[2] L’insuffisance rénale sévère traitée par dialyse n’est pas une contre-indication. Il est généralement recommandé de se complémenter en vitamine B12 dans cette situation (Tremblay R et al. Hyperhomocysteinemia in hemodialysis patients: effects of 12-month supplementation with hydrosoluble vitamins. Kidney Int 2000 Aug;58(2):851-58).

[3] Heyssel RM et al. Vitamin B12 turnover in man. Am J Clin Nutr 1966 Mar;18(3):176-84. Nous ne considérons ici que les données qui concernent la vitamine B12 cristalline d’origine bactérienne, à l’exclusion de celles qui reposeraient sur des animaux utilisés comme aliments.

[4] Berlin H et al. Oral treatment of pernicious anaemias with high doses of vitamin B12 without intrinsic factor. Acta Med Scand 1968 Oct;184(4):247-58. Nous ne considérons ici que les données qui concernent la vitamine B12 cristalline d’origine bactérienne, à l’exclusion de celles qui reposeraient sur des animaux utilisés comme aliments.

[5] Scott JM, Bioavailability of vitamin B12. Eur J Clin Nutr 1997 Jan;51 Suppl 1:S49-53.

[6] Hall AH, Which cyanide antidote? Crit Rev Toxicol 2009;39(7):541-52. Nous ne considérons ici que les données qui concernent les études concluantes menées sur les humains, à l’exclusion de celles qui reposent sur le modèle animal.

[7] Institut de médecine des États-Unis, Dietary Reference intakes for thiamin, riboflavin, niacin, vitamin B6, folate, vitamin B12, pantothenic acid, biotin and choline, National Academy Press, Washington D. C., 1998, p. 346.

[8] European Food Safety Authority, Tolerable Upper Intake Levels for vitamins and minerals, EFSA, 2006, p. 48.

[9] Clarke R et al. Effects of lowering homocysteine levels with B vitamins on cardiovascular disease, cancer, and cause-specific mortality: Meta-analysis of 8 randomized trials involving 37 485 individuals. Arch Intern Med 2010 Oct 11;170(18):1622-31.

[10] Hsing AW et al. Pernicious anemia and subsequent cancer. A population-based cohort study. Cancer 1993 Feb 1;71(3):745-50.

[11] Plusieurs travaux ont conclu à la prévalence de la carence en vitamine B12 chez les les femmes atteintes d’un cancer du sein :

[12] Nishizawa Y et al. Effects of methylcobalamin on the proliferation of androgen-sensitive or estrogen-sensitive malignant cells in culture and in vivo. Int J Vitam Nutr Res 1997;67(3):164-70. Nous ne considérons ici que les données menées sur des cellules humaines, à l’exclusion de celles qui reposent sur le modèle animal.

[13] Wu X et al. Vitamin B12 and methionine deficiencies induce genome damage measured using the cytokinesis-block micronucleus cytome assay in human B lymphoblastoid cell lines. Nutr Cancer 2013;65(6):866-73.

[14] Le taux de vitamine B12 est un marqueur potentiel pour le développement des cancers, sauf en cas de complémentation :

  • Les personnes qui ne se complémentent pas et dont le niveau de vitamine B12 dans le sang est plus élevé que la moyenne (supérieur à 800 pmol/l) ont une probabilité plus forte de se voir diagnostiquer un cancer dans l’année qui suit : Arendt JF et al. Elevated plasma vitamin B12 levels as a marker for cancer: a population-based cohort study. J Natl Cancer Inst 2013 Dec 4;105(23):1799-805.
  • Les personnes qui ne se complémentent pas et qui sont atteintes d’un cancer diagnostiqué sont susceptibles de voir leur niveau de vitamine B12 augmenter dans le sang. Les valeurs dépassant 1 275 pg/l ont été proposées comme aide à l’évaluation de la pertinence d’une poursuite des traitements anticancéreux, lorsque les comités thérapeutiques se réunissent collégialement : Chiche L. et al. Clinical implications of high cobalamin blood levels for internal medicine. Rev Med Interne 2008 Mar;29(3):187-94.

[15] Plusieurs études démontrent l’efficacité de la restauration du système immunitaire inné par l’administration de vitamine B12 chez des personnes carencées. Les lymphocytes NK produisent des substances chimiques qui détruisent certaines cellules cancéreuses :

[16] Les avis des comités scientifiques de l’Institut de médecine des États-Unis et de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire convergent au sujet de l’hypothèse de réaction cutanée :

[17] Scientific Panel on food additives, flavourings, processing aids and materials in contact with food (AFC), « Summary of opinion on hydrocyanic acid in flavourings and other food ingredients with flavouring properties » (Question no EFSA-Q-2003-0145, adopté le 7 octobre 2004), The EFSA Journal, 2004, no 11.

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