Fraude - La B12 n'augmente pas les risques de cancer

Des titres sensationnalistes inquiètent sincèrement les véganes en prétendant qu’une étude démontrerait qu’une « forte complémentation » en vitamine B12 augmenterait le risque de cancer du poumon. C’est faux ! L’étude en question ne permet pas d’établir un lien de causalité (une association n’est pas un lien de causalité) et sa conclusion insiste principalement sur l’absence d’effet protecteur de cette complémentation chez les personnes qui fument. Au contraire, les études randomisées avec groupe de contrôle indiquent que la complémentation en vitamine B12 n’augmente pas la mortalité par cancer (ni toute autre cause). De son côté, l’excès en vitamine B12 n’a encore jamais été caractérisé chez l’espèce humaine. C’est un nutriment pour lequel il n’existe pas de dose toxique connue. Enfin, si les véganes se complémentaient de manière parfaitement assidue (selon les recommandations de la communauté scientifique végane internationale), la quantité de vitamine B12 absorbée serait inférieure de moitié par rapport aux populations qui consomment des produits d’origine animale. Arrêter de fumer semble être le seul message de prévention rationnel pouvant être déduit de l’étude, mais c’est moins sensationnel…

Un système d’absorption active plafonné

La faible charge électrique et les dimensions de la vitamine B12 limitent sa diffusion au travers des muqueuses intestinales (0,5 %), ce qui est insuffisant pour satisfaire les besoins de notre espèce (environ 1 µg absorbé par jour). De plus, ce nutriment n’est présent qu’en très faible quantité dans les aliments d’origine animale : entre 0,1 et 3,0 µg (en dehors des abats et des fruits de mer). Le système digestif humain possède donc un mécanisme complexe permettant d’améliorer l’absorption de ces toutes petites quantités de vitamine B12. Nos récepteurs spécifiques sont toutefois rapidement saturés, ce qui plafonne la dose absorbée à environ 1,5 µg par repas. Il faut entre 3 et 6 heures pour que les récepteurs retrouvent leurs pleines capacités d’absorption.

Vitamine B12 absorbée par les populations conventionnelles françaises

La consommation de vitamine B12 des populations dont l’alimentation est conventionnelle est de 6,2 µg par jour (± 4,5 µg) pour les hommes et de 4,6 µg par jour (± 4,2 µg) pour les femmes (INCA 3). Répartie entre le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner principalement, ainsi que d’éventuels goûter et apéritif, la dose absorbée quotidiennement est d’environ 2,75 µg pour les hommes et 2,35 µg pour les femmes (soit 2,5 µg de moyenne).

Vitamine B12 absorbée par les véganes qui se complémentent

La prise d’un complément de vitamine B12 de 10 µg une seule fois par jour, ainsi que le recommande la communauté scientifique végane internationale, ne permet d’absorber que 1,6 µg (1,5 µg par les récepteurs saturés + 0,5 % de 10 µg, soit 1,55 µg). Les recommandations pour les véganes qui souhaitent se complémenter de manière hebdomadaire (2 000 µg) ou bimensuelle (4 000 à 5 000 µg) permettent d’atteindre exactement la même cible quotidienne à l’année longue par diffusion passive au travers des muqueuses (99,5 % des doses ingérées sont alors éliminées dans les fèces, dégradées par la flore intestinale sans avoir été absorbées).

Comparaison des quantités absorbées par les véganes et les autres

La moyenne quotidienne de 1,6 µg de vitamine B12 absorbée chez les véganes est donc nettement inférieure à celle qu’absorbent les personnes dont l’alimentation est conventionnelle (2,75 et 2,35 µg pour les hommes et les femmes respectivement). À l’année longue, une personne végane absorbe environ moitié moins de vitamine B12 que la moyenne française (40 % de moins pour être précis : 566 µg contre 913 µg) quelle que soit la méthode de complémentation choisie (quotidienne, hebdomadaire ou bimensuelle).

Les véganes ne se conforment pas assez aux recommandations

2017/08/10 : cloture du sondage sur la compliance de la complémentation en vitamine B12 chez les véganesLes personnes véganes négligent encore trop souvent la complémentation, malgré nos efforts :

  • seulement 13 % des véganes n’ont jamais oublié leur complément quotidien ;
  • seulement 22 % des véganes n’ont jamais oublié leur complément hebdomadaire ;
  • seulement 43 % des véganes n’ont jamais oublié leur complément bimensuel.

Ce n’est pas un secret, les données objectives confirment régulièrement que les personnes véganes sont sujettes à la carence en vitamine B12. La cause est connue, le remède aussi, nous travaillons donc bénévolement pour les faire connaître.

Cancer et vitamine B12

Les quelques études comparatives dont nous disposons indiquent que la mortalité des véganes par cancers n’est pas inférieure à celle des populations qui consomment des produits d’origine animale. L’insuffisance en vitamine B12 n’est donc pas un moyen de prévenir les cancers. De son côté, la complémentation a bien peu de chances d’être une cause de cancer quelconque, comme l’indiquent les essais cliniques randomisés avec groupe de contrôle, ainsi que leurs méta-analyses (niveau de preuve le plus élevé dans ce domaine) :

« La complémentation en vitamines B [B12 comprise] n’a pas d’effet sur la fréquence des cancers, ni sur la mortalité imputable aux cancers, ni sur la mortalité toutes causes confondues. Elle est au contraire associée à une moindre incidence des mélanomes de la peau et n’a aucun autre effet sur les autres cancers » [Zhang SL et al. Effect of vitamin B supplementation on cancer incidence, death due to cancer, and total mortality. A PRISMA-compliant cumulative meta-analysis of randomized controlled trials. Medicine (Baltimore) 2016 Aug; 95(31): e3485].

La presse éprouve bien des difficultés à intéresser le public avec des résultats aussi rassurants, raison pour laquelle le moindre sensationnalisme fait recette. L’occasion vient de se présenter grâce au journal d’oncologie clinique, qui vient de publier des statistiques d’observation (niveau de preuve inférieur dans ce domaine) associant la prise de vitamines B au cancer du poumon :

« Cette association spécifique selon le sexe et la source apportent des preuves supplémentaires permettant d’affirmer que les compléments de vitamines B ne préviennent pas les cancers du poumon et pourraient être néfastes » [Bradsky  TM et alLong-Term, supplemental, one-carbon metabolism–related vitamin B use in relation to lung cancer risk in the vitamins and lifestyle (VITAL) cohort. J Clin Oncol 2017 Oct 20;35(30):3440-48].

Plutôt que de remarquer que les femmes ne présentaient aucune association dans cette étude, malgré une consommation plus importante de compléments de vitamines B, et qu’il existe des études bien plus fiables démontrant que la complémentation en vitamine B12 n’est pas une cause de cancer, les titres sensationnalistes se multiplient, par exemple :

« Une forte supplémentation en vitamines B augmente le risque de cancer du poumon » (Allodocteurs, France Info, 23 août 2017).

Faux : le lien de causalité n’est pas démontré dans l’étude mise en exergue. Il n’est question que d’une association. Une association signifie par exemple que l’on observe une plus grande probabilité de mortalité par la foudre chez des personnes qui ne lavent jamais leur voiture (exemple délibérément fictif). Cela ne signifierait pas que les voitures sales seraient une cause de foudroiement. Il serait nettement plus probable que les personnes habitant dans les zones où la foudre frappe plus souvent soient également celles qui ont abandonné tout espoir d’avoir une voiture propre en raison de pluies fortes et fréquentes. Autre exemple : les personnes qui sont atteintes de cancers graves pourraient plus fréquemment se tourner vers le véganisme dans l’espoir d’obtenir une rémission par les alimentations végétales. L’augmentation subséquente attendue du nombre de décès par cancer chez les personnes ayant adopté une alimentation végane serait imputable à la croyance selon laquelle les alimentations végétales promettraient de meilleures chances de rémission (pas au véganisme).

Lorsqu’on regarde les statistiques de Bradsky et al. concernant la complémentation en vitamines B et la fréquence des cancers du poumon (table 3), on remarque une association inverse : un complément de B12 dont la moyenne ne dépasse pas 55 µg par jour est associé à un nombre de cancers du poumon inférieur chez les hommes ayant arrêté de fumer (jusqu’à 34 % de cas en moins par rapport à ceux qui ne se complémentent pas du tout).

Les dépêches et articles de presse ne relatent que l’association entre une fréquence plus importante des cancers du poumon et la complémentation dépassant 55 µg de B12. Soit, mais l’absorption d’un complément de 5 ou 55 µg ne diffère que de 0,3 µg, autant dire presque rien en termes de taux sanguin, taux sanguin que l’étude n’a d’ailleurs pas mesuré… Par ailleurs, ces statistiques ne permettent pas de prendre en compte les phénomènes délétères connus tels qu’une fausse impression de sécurité chez les personnes qui consomment des compléments fortement dosés, croyant de bonne foi compenser une piètre hygiène de vie. La méthode et les moyens mis en œuvre sont donc insuffisants.

Ainsi, cette étude ne permet pas d’alerter les véganes au sujet d’un risque de complémentation excessive. Un tel risque n’est pas démontré, ni expliqué par l’étude, tandis que les essais cliniques randomisés avec groupe de contrôle ainsi que leurs méta-analyses contredisent cette hypothèse (avec des preuves reproductibles homogènes fiables). De plus, les recommandations de la communauté scientifique végane internationale garantissent un apport en vitamine B12 environ moitié moindre par rapport aux populations qui mangent des produits d’origine animale. Si les véganes présentent effectivement un risque à l’endroit de la vitamine B12, c’est celui de la carence, faute de se conformer aux recommandations. C’est d’ailleurs le seul point intéressant pour les véganes qu’aborde la publication de Bradsky et al. :

« Les carences dans ces nutriments [vitamines du groupe B, B12 incluse] peuvent potentiellement endommager l’ADN et influencer l’expression des gènes par une méthylation aberrante dont la conséquence est d’initier des cellules [cancéreuses] ou de promouvoir des cellules initiées. Les apports en vitamines B [B12 incluse] qui permettent d’atteindre les niveaux recommandés chez les personnes qui en manquent sont utiles pour ces raisons » [Bradsky TM et alLong-Term, supplemental, one-carbon metabolism–related vitamin B use in relation to lung cancer risk in the vitamins and lifestyle (VITAL) cohortJ Clin Oncol 2017 Oct 20;35(30):3440-48].

Nous sommes d’accord sur ce point : la carence en vitamine B12 n’est pas une cure contre le cancer. Enfin, précisons que les personnes qui animent le site www.vivelab12.fr, le groupe Facebook éponyme et la Société végane francophone sont toutes bénévoles. Aucune ne touche le moindre centime des filières de la vitamine B12 (conflit d’intérêt : néant). Si une preuve reproductible nécessitait d’alerter les véganes au sujet de la vitamine B12, nous n’hésiterions pas à le faire afin de protéger les véganes.

Conclusion : arrêtez de fumer !

Le lien de causalité tabac-cancer n’étant plus contesté que par les rares porte-parole de l’industrie du tabac (dont les soubresauts perdurent), mieux vaut encourager les messages de prévention concernant la tabagie plutôt que d’inciter les véganes à se méfier d’une complémentation qui leur est vitale (et qui n’a aucune chance d’être excessive). Les personnes qui fument peuvent bénéficier de programmes d’aide gratuits pour arrêter. Leurs efforts profiteront à la cause animale :

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